Journal de bord de Patrice Beaumain (4) : Combat terrifique pour nos vies à Londres !

You are currently viewing Journal de bord de Patrice Beaumain (4) : Combat terrifique pour nos vies à Londres !

12 novembre 1893 20h00,

Le Professeur Smith, sa voix trahissant une émotion inhabituelle, nous révèle enfin l’identité du malheureux : il s’agirait d’un certain Matthew Pook. Ce nom, prononcé dans la pénombre suffocante du couloir, semble résonner d’une manière particulière, comme si l’air lui-même rechignait à le porter.

Je me tiens dans le corridor, l’esprit en ébullition, tentant de rassembler les fragments épars de cette énigme, quand soudain, un cri déchire le silence pesant de la pension. Ce n’est pas un hurlement ordinaire – non, c’est le genre de son qui s’imprime à jamais dans la mémoire de ceux qui ont le malheur de l’entendre. Un cri de souffrance pure, le genre qu’on imagine précéder la mort, émane de la chambre du malade.

À cet instant précis, comme si ce hurlement avait servi de signal à quelque force malveillante, la lumière qui filtrait par l’encadrement de la porte s’éteint brusquement. Ce n’est pas le vacillement progressif d’une bougie mourante, mais plutôt comme si une ombre titanesque, une obscurité dotée de substance, s’était abattue dans la pièce, dévorant toute trace de luminosité.

Le contraste est saisissant et terrifiant : alors que la chambre maudite sombre dans les ténèbres, le couloir où je me trouve reste étrangement baigné de la lueur dorée du chandelier suspendu, comme si cette normalité persistante rendait l’anomalie voisine encore plus insupportable. L’aura malsaine qui émane de la pièce plongée dans le noir semble s’intensifier, palpable comme une présence physique.

Un nouveau cri retentit, différent du premier – la voix du Docteur Hobbs, j’en suis certain. Sa souffrance est accompagnée d’un son que mon esprit refuse d’abord d’identifier. Un craquement, profond et organique, comme celui d’ossements soumis à une force impossible. Cette association mentale, une fois formée, s’ancre dans mon esprit avec une horrible persistance.

Je ne suis pas seul à être témoin de cette scène cauchemardesque. À mes côtés dans le corridor, Eugène et Églantine semblent pétrifiés, leurs visages reflétant la même terreur qui doit marquer mes propres traits. L’inaction devient insupportable – nous ne pouvons rester ainsi, spectateurs impuissants de l’horreur qui se déroule à quelques pas.

Une pensée me frappe : si les ténèbres ont englouti la chambre, nous devons y apporter la lumière. Mon regard se pose sur les bougies du chandelier qui illuminent encore le corridor. La solution est évidente, mais sa mise en œuvre se révèle… problématique. Dans l’urgence du moment, j’oublie les limitations de ma stature. Je saute, une fois, deux fois, tentant désespérément d’atteindre les précieuses sources de lumière. Mes bonds frénétiques, aussi déterminés soient-ils, ne font que souligner cruellement l’inadéquation de mon mètre soixante face à la hauteur du plafond.

L’absurdité de la situation – moi, sautillant comme un cabri alors que mes compagnons sont peut-être en danger mortel – ne m’échappe pas. Mais avant que je ne puisse trouver une solution plus digne, Hervé émerge de la pièce maudite. Son visage est d’une pâleur cadavérique, comme s’il avait contemplé la mort elle-même. Sans hésiter, il s’empare d’une des bougies du chandelier et, dans un acte de bravoure que je ne peux qu’admirer, replonge dans l’obscurité de la chambre.

À peine a-t-il franchi le seuil que la flamme de sa bougie disparaît, happée par les ténèbres surnaturelles. Des bruits de lutte nous parviennent, une cacophonie de sons impossibles à déchiffrer. Au milieu de ce chaos sonore, je distingue des claquements secs, comme des coups de fouet, mais leur origine défie toute logique. Quel genre de combat se déroule dans cette obscurité impénétrable ? Quelle force invisible manie ces fouets imaginaires ?

L’atmosphère du corridor devient électrique, chargée d’une tension qui semble sur le point de faire éclater les murs eux-mêmes. Les sons qui nous parviennent de la chambre plongée dans les ténèbres évoquent une mêlée furieuse, un affrontement dont la nature échappe à toute compréhension rationnelle.

Alors que je demeure immobile dans ce corridor baigné d’une lumière qui semble désormais presque indécente, un mouvement brusque attire mon attention. Robie, faisant preuve d’une autorité que je ne lui connaissais pas, émerge des ténèbres en guidant fermement le Professeur Smith vers la sortie. Son geste, empreint d’une délicatesse inattendue chez cet ancien militaire, ne laisse pourtant aucune place à la discussion. La façon dont il escorte Smith me rappelle ces moments où mon cousin Xavier me protégeait dans notre jeunesse, alliance paradoxale de force et de sollicitude.

La détonation qui suit déchire le voile de l’irréel dans lequel nous sommes plongés. Ce coup de feu, dans sa brutale banalité, agit comme un rappel cinglant du monde tangible. L’odeur âcre de la poudre se mêle aux effluves pestilentiels qui émanent toujours de la chambre, créant un mélange olfactif qui ancre définitivement cette scène dans la réalité.

Ma curiosité, cette compagne fidèle qui m’a tant de fois poussé vers l’inconnu, prend le dessus sur ma prudence naturelle. Les archives familiales m’ont appris que la vérité ne se dévoile qu’à ceux qui osent la confronter, aussi terrifiante soit-elle. D’un pas que j’espère ferme, je franchis le seuil de cette chambre maudite.

La scène qui m’accueille défie toute logique cartésienne. Si depuis le corridor les ténèbres semblaient absolues, l’intérieur de la pièce révèle une lueur – celle de la bougie d’Hervé – si faible qu’elle paraît lutter pour sa survie contre l’obscurité environnante. Ce phénomène me rappelle étrangement certains passages cryptiques du journal de mon ancêtre, où il évoquait des manifestations similaires lors d’événements troublants de la Révolution. Cette lumière agonisante, qui ne devrait pas exister selon les lois de la physique, parvient tout de même à découper dans l’obscurité une scène que mon esprit refuse d’abord d’accepter.

La créature qui se dresse devant nous n’appartient à aucune taxonomie connue. Une langue démesurée, semblable à un fouet de chair vivante, jaillit de ce qui fut autrefois la bouche de Matthew Pook. Cet appendice obscène claque dans l’air avec une précision meurtrière, cherchant à frapper tout ce qui l’entoure. Mon esprit de journaliste, habitué à observer et décrire la réalité, se rebelle devant cette vision cauchemardesque. Pourtant, mes yeux ne peuvent nier l’évidence : cette abomination est bien ce qui reste de notre patient.

À ses pieds gît le docteur Hobbs, sa forme inerte baignant dans une mare de sang qui paraît presque noire dans cette lumière défaillante. Le temps semble suspendu, comme si l’univers lui-même hésitait devant l’horreur de la situation.

Puis, tout s’accélère. Hervé et Alfred, faisant preuve d’un courage que je ne peux qu’admirer, déchargent leurs revolvers sur la créature. Les détonations, assourdissantes dans cet espace confiné, n’ont pourtant pas plus d’effet que des piqûres d’épingle sur cette chose qui fut jadis humaine.

Robie, dans un élan de bravoure qui frôle la témérité, se joint au combat. Son canif – car il serait inexact de qualifier autrement cette lame modeste – plonge encore et encore dans la chair corrompue de la créature. Malgré la précision chirurgicale de ses attaques, fruit de son expérience martiale, les blessures qu’il inflige semblent se refermer presque instantanément.

La chorégraphie mortelle qui se déroule devant mes yeux défie toute logique. Hervé, Robie et Alfred, guidés par un instinct que je ne peux qu’attribuer à la Providence, évitent avec une grâce surhumaine les attaques de cette langue monstrueuse. Chaque claquement de ce fouet de chair résonne comme le glas d’une horloge infernale, mais ne rencontre que le vide.

Depuis le seuil de la pièce, la voix d’Eugène s’élève en incantations dont les syllabes étranges me sont totalement inconnues. Malgré mes années de recherches et ma connaissance approfondie des textes anciens de notre bibliothèque familiale, je ne peux m’empêcher de penser qu’il improvise un charabia sans queue ni tête. Dans l’urgence du moment, notre jeune dandy semble avoir perdu toute sa retenue habituelle. À ses côtés, Églantine, dont la beauté éthérée semble presque déplacée dans ce contexte d’horreur, observe la scène avec une intensité troublante.

C’est alors que le cri de Robie déchire l’atmosphère : “Le Fez !” Cette exclamation, aussi incongrue soit-elle dans ces circonstances, attire mon attention vers un détail que j’avais négligé : le couvre-chef écarlate, celui-là même qui semblait fusionné avec la chair de Matthew, gît maintenant aux pieds d’Alfred.

Mon cœur s’emballe à cette vue. Les années passées à décrypter le journal de mon ancêtre m’ont appris que les objets les plus anodins peuvent parfois receler des pouvoirs insoupçonnés. Sans réfléchir, je m’élance vers le Fez, mais Alfred, plus proche, s’en saisit avant moi.

La transformation qui s’opère sur son visage me glace le sang. Une pâleur mortelle envahit ses traits, tandis que ses jambes semblent perdre toute force. Cette réaction viscérale ne fait que confirmer mes soupçons : ce Fez n’est pas un simple ornement vestimentaire.

Dans un dernier acte de désespoir ou de rage pure, Robie charge la créature. Son canif, porté par une fureur que je n’avais encore jamais observée chez notre boxeur, trouve enfin sa cible. La lame traverse la chair corrompue, et pour la première fois, la créature réagit. Un râle inhumain s’échappe de ce qui fut sa gorge alors qu’elle s’effondre, se recroquevillant en position fœtale.

Le voile de ténèbres qui enveloppait la pièce se dissipe graduellement, comme une brume matinale cédant devant les premiers rayons du soleil. Sous nos yeux ébahis, le corps monstrueux retrouve une apparence humaine, révélant les traits juvéniles du Matthew Pook que Smith avait connu.

Alfred, le Fez toujours en main, semble lutter contre une force invisible. Avec des gestes saccadés, il enfouit précipitamment l’objet maudit dans sa poche, comme s’il craignait qu’un simple contact visuel prolongé puisse le contaminer.

Le calme qui suit est presque aussi terrifiant que le chaos qui l’a précédé. Les questions se bousculent dans mon esprit, chacune plus vertigineuse que la précédente. Quelle force démoniaque a pu transformer un homme en une telle abomination ? Quel rôle exact ce Fez a-t-il joué dans cette métamorphose ? Les réponses, j’en ai la terrible certitude, ne feront qu’ouvrir la porte à des mystères plus profonds encore.

Comme mon ancêtre avant moi, je me trouve confronté à des événements qui défient toute explication rationnelle. Ses écrits, que j’ai si longtemps étudiés, prennent soudain une dimension nouvelle. Ses descriptions d’événements “impossibles” durant la Révolution ne me semblent plus si fantaisistes. Peut-être existe-t-il véritablement des forces anciennes qui œuvrent dans l’ombre de notre civilisation, des puissances que la raison moderne préfère ignorer.

Je contemple mes compagnons, chacun portant les marques de cette expérience indicible. Nous sommes désormais liés par un secret que peu seraient prêts à croire, encore moins à comprendre. Cette nuit dans une modeste pension de Whitechapel a irrémédiablement changé notre perception du monde.

Les mains encore tremblantes de notre terrible confrontation, j’entends les pas de Smith qui remonte l’escalier. Durant la mêlée, Robie avait émergé des ténèbres, faisant preuve d’une autorité que je ne lui connaissais pas, pour intimer à Smith l’ordre de descendre se mettre à l’abri. Notre boxeur n’avait pas laissé place à la discussion, sa voix habituellement joviale remplacée par un ton qui ne souffrait aucune contestation. Son visage, habituellement si composé, trahit une émotion que je ne lui avais jamais connue lorsqu’il pénètre dans la pièce et contemple la scène devant lui. Il confirme sans l’ombre d’un doute l’identité de notre malheureux patient : Matthew Pook, celui-là même qu’il avait côtoyé à Constantinople. Cette certitude ne fait qu’ajouter une nouvelle couche de mystère à notre affaire.

Je ne peux m’empêcher de le pousser à l’action. Après tout, n’est-il pas un citoyen respecté de Londres ? Sa parole aura certainement plus de poids que celle de quelques Français en visite dans la capitale britannique. Car comment expliquer aux autorités ce qui vient de se produire ? Quelle version des événements pourrait paraître à la fois crédible et suffisamment proche de la vérité pour ne pas nous faire passer pour des aliénés ?

Pendant que Smith organise l’intervention des forces de l’ordre, mon attention se porte sur Alfred. Son visage habituellement stoïque porte les marques d’un trouble profond. Lorsque je l’interroge, il m’avoue que le Fez maudit a provoqué en lui une réaction des plus inquiétantes. À son contact, les murmures qu’il avait perçus avant la transformation de Pook sont revenus, mais cette fois directement dans son esprit, comme si l’objet lui-même cherchait à communiquer.

Cette révélation fait écho aux témoignages des résidents de la pension, qui parlaient de voix dans les murs durant les nuits précédentes. Le lien avec le Fez semble évident, mais comment un simple couvre-chef, aussi finement ouvragé soit-il, pourrait-il exercer une telle influence ? Cette manifestation surnaturelle soulève des questions vertigineuses. Comment un simple couvre-chef, aussi finement ouvragé soit-il, pourrait-il exercer une telle influence ? Les implications de cette question me glacent le sang.

Avec l’accord de Smith, nous décidons, Alfred et moi, de transférer l’objet maudit dans un de mes sacs en toile, prenant soin d’éviter tout contact direct. Cette manipulation n’est pas uniquement motivée par la prudence – je nourris secrètement la crainte qu’Alfred ne soit déjà sous l’emprise de l’objet, incapable de s’en séparer volontairement. Son empressement à s’en débarrasser me rassure quelque peu.

Smith, reprenant son rôle d’hôte, nous invite à le suivre jusqu’à sa demeure. Le trajet en cab nous mène vers le nord-ouest de Londres, où nous arrivons aux environs de vingt et une heures trente. Le contraste entre l’atmosphère feutrée de sa résidence victorienne et l’horreur que nous venons de vivre est presque insoutenable. Le calme qui règne ici semble une parodie grotesque de normalité.

Ma première préoccupation est de sécuriser le Fez. Smith acquiesce à ma demande d’utiliser son coffre-fort, prenant même la précaution supplémentaire d’enfermer mon sac dans une boîte à chapeau avant de le mettre sous clé. La fermeture du coffre provoque chez nous tous un soulagement aussi intense qu’inexplicable, particulièrement visible chez Alfred. J’ajoute mentalement cette réaction collective à la liste déjà longue des phénomènes inexpliqués de cette soirée.

Notre hôte nous offre l’hospitalité pour la nuit, une proposition que nous acceptons volontiers. L’apparition furtive que Robie et moi avions aperçue plus tôt – cette silhouette coiffée d’un fez rouge qui s’était glissée dans l’ombre – justifie amplement cette précaution.

Smith se révèle un hôte accompli, nous servant un brandy dont la qualité exceptionnelle contraste avec son comportement distant. Malgré mes tentatives répétées d’obtenir des explications, il reste évasif. Il admet que Pook était effectivement l’étudiant le plus brillant de son ami, le professeur Hamed Demir, à Constantinople, mais refuse d’en dire davantage. Il évoque vaguement des réponses qu’il attend, des soupçons concernant ses propres recherches et son voyage en Orient, mais rien de concret.

Mes yeux de journaliste, habitués à repérer les détails révélateurs, parcourent la pièce. Le désordre qui y règne trahit les habitudes d’un célibataire absorbé par ses travaux. Un article du journal local attire particulièrement mon attention parmi les papiers éparpillés sur la table basse de Smith. Son contenu est des plus troublants, surtout à la lumière des événements que nous venons de vivre. Il rapporte le meurtre d’un certain Joshua Devore, un collectionneur de couvre-chefs orientaux âgé de 70 ans, dans sa résidence de Rotherhithe. La police, dans sa sagesse toute britannique, a d’abord classé l’affaire comme un simple cambriolage ayant mal tourné.

Pourtant, les détails rapportés par le journaliste évoquent une réalité plus sinistre. La victime aurait été frappée par ce que les enquêteurs décrivent comme “un instrument contondant”, et sa demeure minutieusement fouillée. Plus intrigant encore, une vitrine contenant des écrits sur les fez et des manuscrits rares a été fracturée, bien qu’aucun fez ne semble manquer à l’impressionnante collection de M. Devore.

L’inspecteur Kendall de Scotland Yard, cité dans l’article, suggère l’implication d’une bande de voleurs locaux, mais quelque chose dans cette explication trop commode me laisse perplexe. Cette affaire, mise en perspective avec notre propre expérience de ce soir, dessine les contours d’un mystère plus vaste. De vieux manuscrits orientaux, pillés dans la demeure de ce collectionneur, pourraient bien receler des informations cruciales sur notre fez maudit. Un lien ténu mais troublant se tisse entre ces deux événements, séparés par quelques jours à peine.

L’homme au fez que nous avons aperçu furtivement dans les ruelles de Whitechapel – cette ombre furtive au comportement si singulier – ne peut être étranger à cette affaire. Madame Grimm nous a parlé de quatre hommes portant des fez similaires qui avaient amené le malade quelques jours plus tôt. Leur présence dans les deux quartiers, Rotherhithe et Whitechapel, tels des spectres écarlates hantant les bas-fonds de Londres, suggère une orchestration minutieuse, un dessein plus vaste qui nous échappe encore.

Plus j’y réfléchis, plus la synchronicité me paraît évidente : un collectionneur de fez assassiné, ses manuscrits dérobés, puis l’apparition de Matthew Pook et sa terrible transformation… Ces événements s’entrelacent comme les fils d’une tapisserie macabre dont nous ne distinguons encore que les bordures. Ces hommes au fez, seraient-ils les artisans d’une sombre composition plus vaste ? Leurs mouvements dans Londres dessinent-ils un motif que mon esprit, malgré toute sa perspicacité, peine encore à discerner ? Je ne peux m’empêcher de penser que nous ne voyons que la surface d’une eau bien plus profonde et bien plus trouble.

Cette pensée me glace le sang : et si les textes volés contenaient des informations sur notre fez en particulier ? Des instructions peut-être, ou des avertissements que ces mystérieux assaillants cherchaient à faire disparaître ? Le vieil homme est-il mort pour avoir découvert une vérité qu’il n’aurait jamais dû connaître ? Ou alors, perspective plus troublante encore, ces hommes recherchaient-ils désespérément un texte ancien qui aurait pu sauver Matthew ? Un grimoire contenant le secret pour retirer ce fez maudit sans provoquer… ce à quoi nous avons assisté ce soir ?

Cette dernière hypothèse fait naître en moi une inquiétude plus immédiate : s’ils n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchaient chez le vieux collectionneur, vont-ils tenter de récupérer le fez que nous avons en notre possession ? En écrivant ces lignes, dans le confort relatif du salon de Smith, je ne peux m’empêcher de jeter des regards anxieux vers le coffre-fort. Sommes-nous désormais tous en danger ? Le sort de Matthew Pook deviendra-t-il le nôtre ?

C’est alors que les murmures reprennent, traversant les parois du coffre-fort comme si elles n’existaient pas. Cette manifestation surnaturelle, plus que tout ce que nous avons vécu jusqu’ici, ébranle nos certitudes. La décision s’impose d’elle-même : il faut détruire l’objet maudit.

Nous sortons la boîte et la jetons dans les flammes du foyer. Le feu dévore rapidement la boîte, puis le sac, révélant enfin le Fez dans toute sa splendeur. Pour la première fois, nous pouvons vraiment l’observer : sa facture est remarquable, ses ornements d’une finesse exceptionnelle. Sous les flammes, il semble animé d’une lueur propre, défiant les lois de la nature. Car malgré l’intensité du feu, l’objet demeure intact, immaculé, comme si les flammes n’osaient pas le consumer.

Cette nouvelle manifestation de ses propriétés surnaturelles ne nous laisse qu’une option : le remettre dans sa prison de métal, espérant que le coffre-fort de Smith suffira à contenir sa malveillante influence.